La grossesse, c'est merveilleux. Amie lectrice, si vous avez déjà vu un "plus" sur votre test Clearblue, vous le savez: enceinte, vous avez des pouvoirs magiques. Vous êtes dotée par exemple du pouvoir d'invisibilité. Invisible dans les transports et les files d'attentes, ou les mémés sont prêtes à faire une course de déambulateurs et à vous tabasser avec leur canne plutôt que de vous laisser passer payer votre citron (citron que vous achetez pour faire passer les nausées). Avec un peu de chance, vous serez invisible à la CAF, à la sécu ou au RSI qui oublieront de vous payer vos indemnités, perdront votre dossier ou vous feront refaire la queue parce que vous n'aviez pas pris le bon ticket.
La femme (enceinte) invisible
Invisible au travail, quand le boss récapitule les noms des personnes pressenties pour le poste cadre sup: "Alors Jean-Claude, Driss, Paul et Igor." Vous levez la main, vous faites des signes, vous toussez bruyamment, vous criez "moi ! moi ! moi ! ici ! passe !" et vous avez la désagréable sensation d'être de retour en cours d'EPS en 4ème B, quand personne ne voulait de vous dans son équipe de volley et que même l'énorme étudiant Chinois et le geek à lunettes étaient choisis avant vous. (C'est du vécu, oui)
La femme (enceinte) invisible
Invisible au travail, quand le boss récapitule les noms des personnes pressenties pour le poste cadre sup: "Alors Jean-Claude, Driss, Paul et Igor." Vous levez la main, vous faites des signes, vous toussez bruyamment, vous criez "moi ! moi ! moi ! ici ! passe !" et vous avez la désagréable sensation d'être de retour en cours d'EPS en 4ème B, quand personne ne voulait de vous dans son équipe de volley et que même l'énorme étudiant Chinois et le geek à lunettes étaient choisis avant vous. (C'est du vécu, oui)
Quand enfin le boss vous entend dire "Euh chef, vous avez oublié quelqu'un ?" avec un sourire Email Diamant, il répond: "Ah ! suis-je bête ! Pardon, je me confonds en excuses... ce n'est pas à cause de ton statut que je dois t'oublier de la liste..." Là, vous vous redressez toute fière en souriant jusqu'à ce qu'il conclue, se tournant vers votre voisin de gauche: "...que je dois t'oublier de la liste, Jean-Mouloud. Tu n'es que stagiaire certes mais après tout pourquoi ne serais-tu pas en course comme les autres ?" . Là, vous vous absentez pour passer un coup de fil urgent (Pleurer dans les toilettes)
Invisible avec les hommes: même le clan d'ouvriers en bas du bureau qui, d'habitude, vous sifflent à peine un pied mis dehors ne semblent pas vous voir, vous et votre robe rose de grossesse. Vous êtes à deux doigts de rebrousser chemin et de mettre les mains sur les hanches en leur disant "Ben alors, les mecs, quoi ? Même pas un petit "fufufuuu" ou un "hey mademoiselle vous êtes charmante t'as vu ?" Rien ? RIEN ? Sérieusement, vous voulez que je fasse une déprime ? Faites un effort quoi ! "
" S'iiiiil vous plaît, un petit compliment monsieur..."
Vous êtes à deux doigts de vous transformer en mendiante et de prendre un accent roumain (ndlr: n'appelez pas la HALDE) en tendant la main façon je fais la manche dans le métro, et en disant "s'iiiiil vous plaît monsieur... un petit compliment...soyez charitable..." et là, l''un d'eux vous voit enfin et vous dit en levant la tête: " Quoi, vous avez besoin d'aide pour traverser Madame ?" (Madame ! Madame ! Vous pleurez pour la deuxième fois de la journée et il n'est que 9h57)
Pour toutes ces raisons et pour d'autres que je ne développerai pas ici (comme ça cadeaux mots compte triples, liste non exhaustive: nausées, prises de sang, vergetures, gynéco, émotivité, peurs, jambes lourdes, belle-famille, vertiges, poids, doctissimo, habits de grossesse moches, infirmière qui te parle comme un chien, arrêt de travail, odorat qui te fait repérer le poulet rôti à sept rues, vergetures je l'avais déjà dit mais la première fois je parlais des cuisses et là je parle du ventre) bref pour toutes ces raisons, à 8 mois, j'avais décidé qu'il était temps.
SOS, il y a Kate Moss sous coke dans mon ventre
Il était temps que ma future fille vienne au monde, naisse, montre sa frimousse à sa maman émue, bref sorte de là. Je me sentais dans la peau d'une gérante d'hôtel qui téléphone à ses clients de la chambre 113 pour leur dire "Bonjour, il est midi, et après midi le Mc Morning c'est fini et la chambre doit être libérée, alors partez merci". Sauf que mes clients seraient Kate Moss bourrée et Pete Doherty sous coke, qu'ils auraient saccagé la chambre et me crieraient dans le téléphone quelque chose comme "F*** me I'm famous".
Il me fallait agir. Heureusement, Doctissimo mon meilleur ennemi (d'après qui j'allais mourrir trois fois dans les 24 heures suite à 1/ une ampoule au doigt 2/ une crise de foie 3/ une envie de faire pipi) m'avait préparé une liste de tous les "don't", les choses à ne pas faire pour accoucher prématurément, donc, les choses que j'allais faire pour accoucher au plus vite.
Même prête à faire le ménage !
En 1, faire les vitres. Facile. Je ne fais plus le ménage depuis 1982, année où je suis moi-même sortie du ventre de ma mère. Les vitres disposaient d'une couche de dix centimètres de poussière, crasse, moustiques écrasés et autres matières non identifiées. Très fière de ma trouvaille, je descendis à Shoppi (quand je vous disais que la vie des femmes enceinte était passionnante ?) me battre avec les retraitées déambulatrices pour acheter du produit à vitres. Je passai deux heures à frotter les mains en l'air, le nombril joyeux, debout sur une chaise branlante, les sept fenêtres de l'appartement. Puis j'attendis. Un peu. Beaucoup. Mais rien ne vint.
Kebab-frites-sauce blanche-harissa
La deuxième chose interdite très mal ? Manger épicé. C'était doublement interdit, j'étais suivie par une sage-femme psychopathe de la bouffe qui considérait qu'un pot de Nutella ne constituait pas un dîner équilibré ! (On aura tout entendu.) Bref, guillerette, alors que la délicieuse odeur du kebab-frites, met que je n'avais pas mangé depuis 8 mois à cause de la sage femme suscitée vint chatouiller mon odorat hyper sensible, je plantai là l'heureux futur père pour courrir jusqu'au Döner Kebab "Le Roi de la Frite".
"Bonjour Salam tout ça, deux kebab frites avec sauce blanche ketchup harissa et un supplément piment s'il vous plaît m'sieur c'est urgent. Et pour lui, ce sera juste du blé". dis-je en désignant le futur papa soucieux de son équilibre alimentaire à l'approche de sa crise de la trentaine-quarantaine et en fin de crise de la vingtaine. Mais à part des crampes d'estomac et ce que je pris pour un rot interne du bébé, rien ne vint.
Feu d'artifice
Heureuse nouvelle, en sortant du Kebab, je vis une affiche: "Feu d'artifice ! 14 juillet ! Grande fête ! Sur le pont ! Venez nombreux !" Ce qui signifiait: monde / bruit / station debout prolongée / donc dans mon esprit de femme enceinte malade, potentiel accouchement. Qu'à cela ne tienne, après les quarante minutes de marche, la promesse de cris, station debout pénible, monde, bruit et chocs thermiques était tenue. Mais de bébé, toujours pas.
Mes nuits étaient désespérément calmes, je n'avais pas ces douleurs que toutes mes collègues futures mamans décrivaient, je ne savais pas compter les contractions et j'avais la sensation que je n'accoucherai jamais. Il faut dire qu'après un début de grossesse cauchemardesque, la suite ne se passait pas si mal. A 5 mois je faisais encore la fête toute la nuit, à 6 mois je passais des concours de nouvelles, à 7 mois je prenais l'avion pour Barcelone; bref, aucun signe ostentatoire d'accouchement imminent.
Vêtue de ma robe rose poudré en bambou Vertbaudet, toujours la même, la seule robe dans laquelle je rentrais et que je portais jour et nuit (et donc, que je ne pouvais plus voir) je me rendis quelques jours après à mon rendez-vous du 9ème mois. Déjà ! J'avais donc passé le 8ème mois à essayer d'accoucher en vain. J'avais un lot de 250 couches taille naissance, deux commodes remplies de vêtements de bébé, une chambre décorée pour elle dans laquelle j'allais me reccueillir chaque soir en lui parlant, et toujours pas l'être humain qui allait avec.
" Ce n'est pas pour aujourd'hui, rentrez chez vous... "
A la fin de ce rendez-vous du 9ème mois, la sage-femme me le garantit: à 100%, je n'accoucherai pas aujourd'hui, il me restait plusieurs semaines "tranquille". Elle me conseilla de rentrer chez moi. je pris mon dossier, ma robe informe rose poudrée, mon futur époux et, dépitée, dégoutée, lassée et fatiguée, je rentrai chez moi en faisant la moue, pensant à ma fille que j'imaginais brune, ronde, chiffonnée, aux yeux noirs et me demandant quand cette peste daignerait pointer le bout de son nez.
It's oh, so quiet, chut, chut.... and you fall in love !
Je ne pouvais pas savoir que le jour-même, peu avant minuit, dans ce qui resterait de ma robe rose poudrée, je ferais la connaissance d'une jolie fille menue, sublime, blonde aux yeux bleus, qui changerait ma vie.
Marlène Schiappa (du blog Maman Travaille)
NB Marlène vient de publier Osez l'amour des rondes, disponible dans toutes les FNAC, Amazon, librairies et cie; elle est co-auteure de J'aime ma famille (Editions Robert Laffont) et de J'aime ma famille, le coffret (Editions Marabout) ainsi que J'aime ma famille, poche, de Loïc Lecanu et Marlène Schiappa (Editions Marabout) Cordialement ?
Vraiment excellent, Marlène!
RépondreSupprimerHéhé, tu nous avais caché cette magnifique partie sur la femme (enceinte) invisible. ;)
RépondreSupprimerQuand je te lis,cela m'inspire des posts sur le boulot à tous les coups. J'ai tellement de choses à dire que la longueurs des billets me fait repousser l'échéance.
Clap, Clap, Clap, Madame !
Rouler sur les pavés, c'est pas mal aussi ;) N° 6 des non-conseils doctissimo ;)
RépondreSupprimerAh le RDV du 9ème! J'ai l'impression qu'il n'est jamais fiable! On me prédisait un accouchement imminent, et j'ai quand même poireauté 16 jours de plus! Non, pas 15; 16! Et oui, tu les comptes dans ce cas là!
RépondreSupprimerUn chouette article!
Que de souvenirs ! J'avais oublié ma robe noire que j'ai portée pendant les 3 derniers mois, que j'étais obligée de laver le soir pour la sécher la nuit...
RépondreSupprimerIdem, pour mes 3, ce fut 9 mois complets, quasi du jour pour jour... Pour ma 2ème fille, après une journée passée à la mat' en comptant les contractions, je m'entends dire à 19 h : "vous pouvez rentrer chez vous, ce n'est pas pour ce soir". En pleurs, je reprends ma valise, mon moral dans les chaussettes, et je monte dans la voiture. Et là... méga-big-puissantes contractions ! Et ma puce et arrivée à 1 h du mat !